Recherchez des personnes, archives ou histoires
Chargement de la visionneuse...
Entre 1939 et 1945, la famille Decker s’illustre par un engagement d’une intensité rare dans la Résistance française. Plusieurs membres s’engagent spontanément contre l’Occupation nazie. Certains fournissent des renseignements, transmettent des messages, cachent des résistants, hébergent des fugitifs. D’autres participent directement au réseau de la Confrérie Notre-Dame, fondé en 1940 par leur neveu, Gilbert Renault, que la France entière connaîtra plus tard sous le nom de colonel Rémy.
Cette participation héroïque aura un prix terrible : arrestations, tortures, déportations. René survit miraculeusement. Jacques et Jean meurent des suites de leur emprisonnement. Les femmes de la famille, notamment Maisie Renault et Madeleine Cestari, subissent l’enfer concentrationnaire avant de revenir, brisées mais debout.
Ce chapitre retrace l’un des épisodes les plus dramatiques, les plus lumineux et les plus fondateurs de l’histoire des Decker-Renault.
Il existe des familles pour lesquelles l’histoire se charge de révéler un courage insoupçonné. La famille Decker, installée à Vannes depuis la fin du XIXe siècle, fait partie de celles pour lesquelles la Seconde Guerre mondiale ne fut pas seulement une épreuve, mais un appel, une convocation intime adressée à l’honneur et à la conscience.
Les enfants de Théodore et Rosa, élevés dans une atmosphère de discipline, de foi catholique, de culture et de respect profond de la dignité humaine, se trouvent confrontés à l’une des situations les plus sombres de l’histoire moderne.
Lorsque l’Occupation s’installe en 1940, il ne faudra que quelques semaines pour que les premiers gestes de résistance apparaissent. Rien ne fut décidé collectivement. Aucun plan familial ne fut élaboré. Et pourtant, presque tous s’engagèrent, chacun selon ses forces, ses possibilités, son lieu de vie.
Les photographes Decker, disséminés en Bretagne et dans plusieurs régions de l’Ouest de la France, possèdent un avantage précieux : leur métier les met en contact avec des soldats, des civils, des étrangers. Leur studio devient un observatoire, un lieu d’échange, parfois une cache, parfois un point de liaison.
Et au-dessus d’eux, comme un astre sombre guidant les décisions des uns et des autres, s’élève la figure de leur neveu : Gilbert Renault, alias colonel Rémy.
Ce chapitre s’attache à raconter non seulement des faits, mais aussi la profondeur morale, l’émotion et la douleur qui accompagnèrent ces années terribles.
La Bretagne occupée en 1940 est une région à la fois meurtrie et résistante. Les ports sont réquisitionnés par la Kriegsmarine. Les soldats allemands se déploient dans les villes, les routes, les campagnes. L’atmosphère est lourde, empreinte de peur mais aussi de défi.
À Vannes, comme dans d’autres villes du Morbihan, la vie quotidienne se poursuit malgré les pénuries, les rationnements, les couvre-feux. Les habitants, souvent discrets, cachent un patriotisme profond.
Dans ce décor d’oppression, la Résistance se structure.
Et au cœur de cette structure apparaît un nom : Gilbert Renault, né de Marie Fanny Rosa Decker, fille de Théodore. Le petit-fils de Rosa Presgrave et de Théodore Decker devient l’un des grands résistants de la guerre.
Gilbert Renault, jeune homme au tempérament ardent, s’engage après l’Appel du 18 Juin.
Très vite, il fonde le réseau de la Confrérie Notre-Dame, l’un des réseaux les plus efficaces du renseignement français.
Ce réseau, qui relaye des informations cruciales à Londres, joue un rôle déterminant dans la préparation du Débarquement.
Dans ce contexte, plusieurs Decker rejoignent l’action.
Ils le font sans bruit, sans se concerter, comme si leurs engagements individuels répondaient à un même appel familial.
Pour eux, la Résistance n’est pas une aventure, mais une évidence morale.
René, installé en Normandie comme photographe à Vernon puis à Caen, connaît rapidement les risques de son métier.
Les studios attirent soldats, officiers, collaborateurs, civils. Ils deviennent des lieux où circulent des informations, volontairement ou non.
René observe, écoute, transmet.
En 1941, il est arrêté. Les interrogatoires sont brutaux. Les nuits interminables. Les menaces constantes.
Il survit.
Libéré en 1942, il revient brisé mais vivant.
Sa famille dira plus tard que son regard avait changé, comme si une part de lui-même était restée dans les murs de la prison.
Il continuera pourtant à travailler, à photographier, à vivre, portant en lui la mémoire de ceux qui, à la même époque, ne revinrent jamais.
Jacques, photographe à Évreux, est un homme discret, doux, attentif.
Jean, photographe à Saumur, possède une énergie vive, un esprit alerte, une capacité rare à se mêler aux mouvements du monde.
Tous deux, dès 1940, entrent dans la Résistance.
Jean rejoint officiellement la Confrérie Notre-Dame. Son courage, sa rapidité d’esprit, sa connaissance du terrain en font un agent précieux.
Jacques, sans appartenir précisément à un réseau, accomplit des tâches essentielles : transport de messages, hébergement, photos clandestines, observations.
Mais la Gestapo, la police allemande, les guette.
Ils seront arrêtés.
Déportés.
Emmenés dans les trains de la nuit et de la peur.
Ils s’éteindront en 1945.
Jean dans les camps.
Jacques peu après son retour, agonisant après des mois de privations, de coups, de maladie.
Leur mort est une blessure jamais refermée dans la famille.
Elle marque un point de non-retour dans la mémoire Decker.
La période 1939–1945 incarne l’un des instants les plus tragiques, mais aussi les plus nobles de l’histoire de la famille Decker.
René survit miraculeusement.
Jacques meurt au retour des camps.
Jean meurt en déportation.
Maisie Renault et Madeleine Cestari, leurs nièces, traversent l’enfer de Ravensbrück.
Et au centre de cette constellation héroïque, le colonel Rémy, figure immense de la Résistance française, incarne l’héritage moral du foyer Decker-Renault.
L’histoire de cette famille pendant la guerre n’est pas seulement un enchaînement de faits.
C’est une leçon, une transmission, un rappel de ce que signifie agir par conscience, par devoir, par honneur.
Lorsque la paix revient en 1945, la maison Decker ne sera plus jamais la même.
Elle porte désormais les ombres des disparus, mais aussi la lumière éclatante de leur courage.
Ainsi s’achève ce chapitre, l’un des plus douloureux et des plus essentiels de cette saga familiale.