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Au lendemain de la guerre, la famille Decker se tient entre ombre et lumière. Les pertes sont lourdes : Jacques et Jean ne reviendront jamais, morts des suites de leur déportation. René revient affaibli, mais vivant. Dans la génération suivante, Maisie Renault survit à l’enfer concentrationnaire, tandis que Gilbert Renault, alias colonel Rémy, devient l’un des héros célébrés de la France libre.
À Vannes, Francis Decker, photographe et homme de vision, est élu maire en 1945. Son action s’étendra sur vingt ans, guidant la ville à travers les défis de la reconstruction et de la modernisation.
Ce chapitre raconte ce moment où la famille, meurtrie mais debout, réinvente son rôle dans une société en transformation.
C’est l’histoire d’une résilience collective, d’un retour progressif à la vie, d’une quête de mémoire, et de l’émergence d’un nouvel âge pour la lignée Decker.
Le 8 mai 1945 résonne comme une délivrance en France, mais aussi comme une déchirure. Si la guerre est terminée, les familles doivent désormais compter leurs morts, accueillir leurs survivants, et reconstruire non seulement les maisons, mais les existences brisées.
Pour les Decker, cette date marque une frontière. Rien ne sera plus comme avant.
L’absence de Jacques et de Jean pèse sur les cœurs. Les années de torture, d’humiliation, de privation qu’ils ont vécues laissent des traces silencieuses dans la conscience familiale.
Rosa n’est plus là pour recevoir la nouvelle : elle est morte en 1931. Théodore n’est plus là non plus : il repose depuis 1930. Mais les enfants, les petits-enfants, les neveux et nièces portent l’héritage moral du foyer qu’ils ont construit.
Ce chapitre décrit le passage difficile d’une époque de guerre à une époque de reconstruction, dans laquelle la famille Decker va prendre une place essentielle. Francis, premier fils survivant de la lignée, incarne cette transition.
Son élection comme maire dès 1945 marque le début d’un chapitre nouveau, où les valeurs héritées du Luxembourg, de la Bretagne, de l’Écosse et de l’Angleterre se mêlent pour répondre aux besoins d’un monde à refaire.
À Vannes, les dégâts matériels sont moins importants que dans d’autres villes françaises. Pourtant, la ville porte les stigmates de la guerre : les pénuries alimentaires, les traumas, les familles amputées.
Les remparts, toujours debout, semblent retenir leur souffle.
Dans les rues, les insurgés ont laissé des traces, les soldats allemands ont disparu, et les gens avancent avec un mélange de soulagement et d’incertitude.
Le pays doit se reconstruire.
La Bretagne aussi.
Les années 1945–1975 sont marquées par de profondes transformations :
la modernisation des infrastructures, la fin progressive des campagnes traditionnelles, l’arrivée de nouvelles industries, les débuts du tourisme moderne, la mutation du rôle des villes, l’émergence de nouvelles élites locales.
Dans ce décor mouvant, la famille Decker joue un rôle qu’elle n’avait jamais imaginé quelques décennies plus tôt.
René revient d’un long périple de souffrance. Ses proches le voient apparaître un soir de 1942, vivant mais diminué. Il a perdu du poids, son teint est terne, ses gestes ont ralenti. Mais ses yeux, eux, brillent encore d’un éclat particulier, comme s’ils contenaient l’histoire de ceux qui ne sont pas revenus.
La déportation de Jacques et de Jean a laissé une marque indélébile dans la mémoire familiale.
On ne parle pas tout de suite de ce qu’ils ont vécu. Le silence règne, un silence pudique, tendu, mais chargé de signification.
Les portraits qu’ils ont laissés derrière eux deviennent alors des reliques.
Leurs studios, leurs appareils, leurs négatifs, restent comme les témoins d’une vie interrompue.
Les femmes de la famille portent également des cicatrices profondes. Maisie Renault, revenue de Ravensbrück, mettra des années à retrouver une forme d’équilibre. Sa sœur Madeleine, tout aussi éprouvée, marchera sur le même chemin.
La maison Decker, autrefois animée par les chants et les éclats de rire, se remplit de conversations à voix basse, d’échanges de nouvelles, de visites discrètes, de moments de recueillement.
Mais elle reste, malgré tout, un foyer vivant.
Élu maire en 1945, Francis Decker entre dans l’histoire civique de Vannes.
Sa personnalité, forgée par l’art, la famille et le devoir, en fait un homme accessible, réfléchi, respecté.
Le photographe devient administrateur.
Mais son regard reste celui d’un artiste : il voit ce que la ville peut devenir, ce que les habitants espèrent, ce que l’époque exige.
Pendant vingt ans, il modernise Vannes sans jamais la dénaturer. Il œuvre pour préserver son patrimoine, renforcer son attractivité, développer son économie.
Son action se déroule dans un contexte difficile, entre les séquelles de la guerre, les tensions de la IVe République, les premières années de la Ve République, les changements sociaux du baby-boom.
Mais Francis, fidèle à son héritage, travaille sans relâche, sans se mettre en avant.
Ses journées sont longues, ses soirées souvent remplies de réunions, de visites, de dossiers à traiter.
Il continue de photographier, mais moins. Pourtant, sa sensibilité artistique nourrit sa manière d’être maire.
Il regarde Vannes comme un être vivant : fragile, complexe, attachant.
Sous son mandat, la ville s’ouvre, devient plus moderne, tout en préservant ses remparts, ses ruelles anciennes, son âme.
Les années 1950 et 1960 voient les nouvelles générations grandir. Les petits-enfants de Théodore et Rosa naissent dans un monde où la technologie change, où la radio se diffuse, où la télévision apparaît, où les mouvements sociaux émergent.
Les enfants de Francis, René, et des autres branches de la famille, grandissent dans une Bretagne et un grand Ouest en mutation.
Les photographies de famille montrent des repas autour de grandes tables, des promenades sur le port, des moments de recueillement, des fêtes religieuses.
La mémoire de la Résistance est présente partout : dans les conversations, les gestes, les commémorations, les silences.
Les femmes jouent un rôle crucial dans cette transmission.
Maisie Renault et Madeleine Cestari, ayant survécu à l’horreur, deviennent des voix essentielles dans la parole publique sur les camps, sur la mémoire, sur les valeurs à transmettre.
Les archives photographiques de Francis, de René, de Jacques et de Jean se consolident. Elles deviennent un trésor familial, puis local, puis régional.
Peu à peu, ce patrimoine traverse les générations, nourrissant l’identité d’une famille qui a connu la guerre, le deuil, mais aussi la renaissance.
Entre 1945 et 1975, la famille Decker traverse une transformation profonde.
Elle passe du traumatisme à la reconstruction, puis du deuil à la transmission.
Francis, maire de Vannes, devient la figure centrale de cette période.
René survit, porte la mémoire.
Les morts continuent de vivre dans les récits, les photographies, les archives, les hommages.
Les femmes de la famille, survivantes des camps, transmettent avec une force admirable une leçon universelle sur la dignité humaine.
La famille s’agrandit, se diversifie, mais garde son principal ancrage à Vannes, ville où Théodore et Rosa avaient trouvé refuge et où la lignée avait pris son élan.
Ce chapitre marque la fin de l’époque héroïque et douloureuse de la Résistance et ouvre la voie vers une nouvelle ère : celle de la mémoire, de l’identité, de l’avenir.
Ainsi s’achève ce chapitre de reconstruction, prélude aux grands récits de transmission familiale qui s’étendront jusqu’au XXIe siècle.