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Gilbert Renault, connu sous le nom de guerre « Colonel Rémy », est l’un des plus grands résistants français. Né dans une famille enracinée à Vannes mais héritière de trois cultures — bretonne, luxembourgeoise, écossaise — il porte dès l’enfance les valeurs de discipline, de foi et de liberté. Fondateur du réseau Confrérie Notre-Dame, il transmettra depuis la France occupée des renseignements décisifs à Londres, notamment sur les défenses du Mur de l’Atlantique, contribuant directement au succès du Débarquement.
Après la guerre, il deviendra un écrivain prolifique, un témoin majeur, mais aussi une figure controversée. Certains verront en lui un esprit libre ; d’autres un homme déchiré par la fidélité et la révolte.
Ce chapitre explore la totalité de son destin, depuis le foyer Decker jusqu’à sa mort en 1984, en passant par les ombres et les lumières de l’Histoire.
La vie de Gilbert Renault est un fleuve qui traverse des mondes opposés : Vannes la tranquille, la France occupée, Londres en guerre, la clandestinité des réseaux, les couloirs des camps où souffrirent sa sœur et ses proches, puis la France d’après-guerre, divisée, tourmentée, en quête de figures et de sens.
Il fut un homme habité.
Habité par un patriotisme ardent, par une foi profonde, par une conscience aiguë de la justice.
Mais aussi par une sensibilité extrême, une mélancolie, une intransigeance qui le poussèrent parfois dans des chemins abrupts.
La famille Decker, à travers sa mère Marie Fanny Rosa, lui avait transmis la rigueur morale et la droiture. Les Presgrave et les Rattray, qu’il connaissait peu mais dont il portait symboliquement l’héritage, lui avaient donné ce sens de la loyauté, cette rectitude qui caractérise les anciennes familles britanniques, celles qui n’abandonnent jamais.
Dans son enfance, rien ne laissait présager la dimension historique de sa vie. Et pourtant, il deviendrait l’une des consciences de la Résistance.
Né en 1904, Gilbert grandit dans un monde qui change : la Bretagne encore rurale, les débuts de la modernité, les remous politiques de la IIIe République.
La maison des Decker, où l’art, la musique, la culture et la discipline se rencontrent, est un foyer d’exigence.
Sa mère, Marie Fanny Rosa Decker, lui transmet les valeurs des Rattray et des Presgrave : sens du devoir, de la retenue, de la parole donnée.
À l’école, il montre déjà une intelligence vive, une imagination débordante, un goût pour le théâtre, la littérature, la mise en scène.
Mais sous ces talents artistiques, il existe chez lui un autre mouvement : une inquiétude morale, un besoin d’agir, un refus du compromis.
Dans sa jeunesse, Gilbert explore les rues de Vannes comme on parcourt les couloirs d’un château intérieur.
Il lit énormément. Il observe. Il écoute les conversations des adultes.
Il garde de cette période un sens aigu du réel : les visages, les voix, les gestes le marquent.
La ville lui offre ses premières visions de justice et d’injustice, de grandeur et de lâcheté.
Déjà, dans certaines conversations rapportées plus tard, on décèle une forme de gravité.
Il sent confusément que sa place ne sera pas celle des hommes paisibles.
Il rêvera un temps du cinéma, de la mise en scène.
Mais l’Histoire viendra le chercher avant qu’il n’ait pu choisir sa voie.
Lorsque la France s’effondre, Gilbert refuse l’inacceptable.
L’Appel du 18 Juin n’est pas pour lui un discours : c’est un choc, un appel intérieur, presque un devoir filial envers tous les morts de la famille Decker et de leurs ancêtres.
Il part pour Londres.
Il rencontre De Gaulle.
Très vite, il fonde le réseau Confrérie Notre-Dame, véritable colonne vertébrale du renseignement français.
Son organisation, sa discipline, son audace stupéfient les Britanniques.
Il recrute, coordonne, diffuse.
Il devient l’un des plus grands responsables du renseignement clandestin en Europe occupée.
Les informations qu’il transmet auront un rôle déterminant dans la préparation du Débarquement.
Les plans du Mur de l’Atlantique, envoyés à Londres par CND, sauveront des milliers de vies.
La guerre s’intensifie.
Gilbert vit dans la clandestinité.
Il voit ses proches tomber.
Sa sœur Maisie est arrêtée, déportée à Ravensbrück.
Madeleine Cestari, autre membre de la famille, subit le même sort.
Jacques et Jean Decker, ses oncles et presque ses frères, meurent en déportation ou peu après leur retour.
Il apprendra ces nouvelles dans des moments de solitude extrême.
Et pourtant il continue, poussé par une sorte d’élan intérieur que rien ne semble pouvoir arrêter.
Les Britanniques voient en lui un héros.
De Gaulle, un esprit indispensable.
Les familles de résistants, un frère d’armes.
Il devient une légende vivante, mais il ne cherche pas la gloire.
Il agit comme si chaque jour était le premier, comme si le monde pouvait encore basculer.
La vie de Gilbert Renault, colonel Rémy, est celle d’un homme en lutte permanente contre l’injustice, contre la faiblesse, contre l’oubli.
Il incarne la fidélité, mais aussi la déchirure : la fidélité à son pays, aux morts, à la Résistance, à sa conscience ; la déchirure de l’après-guerre, du jugement des hommes, des débats politiques, des incompréhensions.
Il laisse derrière lui une œuvre immense : des livres, un réseau, une mémoire vivante, une leçon de courage.
Il laisse aussi un héritage familial incomparable : celui de rappeler que la grandeur n’est pas faite d’ambition, mais de choix, d’engagement, de refus du silence.
À sa mort en 1984, la France perd l’un de ses résis