Recherchez des personnes, archives ou histoires
Les membres des familles DECKER et RENAULT ont collectivement enduré 6 810 jours de détention durant la Seconde Guerre mondiale — soit l'équivalent de plus de 18 ans et demi cumulés d'emprisonnement.
Cette recherche a permis de documenter le parcours de 11 personnes arrêtées, dont 1 personne fusillée, 5 déportées vers les camps nazis, avec 3 décès en déportation ou des suites directes de celle-ci. Ces deux familles, liées par le mariage de Théodore DECKER avec Rosa PRESGRAVE puis le mariage de Marie DECKER avec Léon RENAULT, ont formé l'ossature du réseau de renseignement CND (Confrérie Notre-Dame) fondé par Gilbert Renault, dit "Colonel Rémy".
Les trois frères DECKER, tous photographes de profession, ont été arrêtés à différents moments et dans différents réseaux de résistance. Leur oncle, le compositeur Théodore Decker (1851-1930), était le père de Marie Decker qui épousa Léon Renault — créant ainsi le lien entre les deux familles.
René DECKER, photographe au 67-98 rue Saint-Pierre à Caen, fut l'un des 119 à 244 résistants arrêtés lors de l'opération "Porto" menée par l'Abwehr contre le Réseau Hector.
| Étape | Date exacte | Lieu |
|---|---|---|
| Arrestation | 9 octobre 1941 | Caen |
| Transfert | ~10 octobre 1941 | Prison de Fresnes |
| Déportation | 15 décembre 1941 | Convoi I.19 |
| Prison | Décembre 1941 - Mai 1942 | Wuppertal puis Anrath |
| Camp SS | Mai - Août 1942 | Hinzert |
| Libération | 15 août 1942 | Hinzert |
Son nom figurait sur le carnet d'un résistant de l'Eure, Pierre Aussannaire, capturé fin août 1941. Classé "NN" (Nacht und Nebel), il fut libéré faute de preuves avec 75 autres membres du réseau Hector. Il avait reproduit des centaines de portraits du Général de Gaulle et distribué des journaux clandestins.
Durée de détention confirmée : 311 jours (du 9 octobre 1941 au 15 août 1942)
Photographe au 43 rue Nationale à Saumur et oncle direct du Colonel Rémy, Jean DECKER fut agent P2 du réseau CND dès le 1er avril 1941, servant de "boîte aux lettres" pour les renseignements transmis vers Londres.
| Étape | Date exacte | Lieu |
|---|---|---|
| Enregistrement CND | 1er avril 1941 | Saumur |
| Arrestation | 10 novembre 1941 | Saumur |
| Internement France | Nov. 1941 - Mai 1943 | Prisons françaises (~545 jours) |
| Déportation | 8 mai 1943 | Convoi Compiègne, matricule 66199 |
| Arrivée | 10 mai 1943 | KL Sachsenhausen |
| Kommando | Mai 1943 - Janv. 1945 | Küstrin (fabrique de pâte à papier) |
| Évacuation | 1er février 1945 | Marche de la mort (-30°C) |
| Transfert | Début février 1945 | KL Buchenwald (petit camp) |
| Disparition | Nuit du 17-18 février 1945 | Destination inconnue |
Un témoignage de R.G. Marnot (1947) rapporte que des camarades venus le voir au block de quarantaine de Buchenwald découvrirent qu'il avait été "transféré vers une destination inconnue" durant la nuit précédente.
Durée de détention totale : 1 196 jours (545 jours en France + 651 jours en déportation)
Photographe au 48 rue Victor-Hugo à Évreux, Jacques DECKER était lié au réseau Turma-Vengeance dont la Région V (Eure) était active depuis août 1943 sous la direction du capitaine Socrate Percebois.
| Étape | Date | Remarque |
|---|---|---|
| Arrestation présumée | 19 mai 1944 | À confirmer (dossier SHD AC 21P 441 433) |
| Déportation | Mai-juin 1944 | Convoy I.214 ou I.223 vers Neuengamme |
| Camp | Mai 1944 - Fév. 1945 | KL Neuengamme |
| Rapatriement | ~Février 1945 | France |
| Décès | 17 mars 1945 | Évreux, "des suites de sa déportation" |
Le matricule et le kommando d'affectation n'ont pas été retrouvés. Les convois probables depuis Compiègne étaient le 21 mai 1944 (I.214, matricules 30000-32000) ou le 4 juin 1944 (I.223).
Durée de détention estimée : ~273 jours (19 mai 1944 - ~mi-février 1945)
Le fils de Jacques, Paul DECKER (cf. ci-dessous), fut fusillé par les Allemands en août 1944 à l'âge de 21 ans. Jacques, son père, ne l’apprendra qu’à son retour de déportation : épuisé et brisé par le deuil, il décèdera très peu de temps après son rapatriement.
Né le 6 août 1923 à Saumur, Paul DECKER fut condamné dès le 28 avril 1941 par le tribunal allemand de la Feldkommandantur 753 pour détention d'armes, émission de nouvelles germanophobes et offense à l'armée allemande. La peine prononcée était de 14 mois de prison, mais les archives suggèrent qu'elle ne fut pas intégralement purgée — une demande de passeport datée d'avril 1943 indique qu'il était en Allemagne (probablement STO).
| Date | Événement |
|---|---|
| 28 avril 1941 | Condamnation (14 mois de prison) |
| Printemps 1944 | Retour en France, rejoint les FFI |
| 21 août 1944 | Capture au Château de Bérou (Guichainville) |
| 21 août 1944 | Interrogatoire et fusillade au Château de l'Ermitage (Huest) |
Soldat interprète parlant allemand, il fut capturé lors d'une mission de liaison pour le groupe du capitaine Percebois, interrogé et fusillé le jour même à 21 ans à Huest, localité située à 5 km d’Évreux. Une rue de Huest porte son nom.
Durée de détention finale : <1 jour (condamnation de 1941 non comptabilisée faute de preuves d'exécution)
La famille Renault comptait neuf enfants, dont au moins sept ont participé activement à la Résistance. La Gestapo, n'ayant pu arrêter Gilbert (Colonel Rémy) qui avait rejoint Londres le 17 juin 1942, se vengea sur sa famille.
Secrétaire du réseau CND depuis décembre 1940, Maisie assurait le codage des messages pour Londres. Son témoignage "La Grande Misère" (Prix Vérité 1948) reste une source majeure sur Ravensbrück.
| Étape | Date exacte | Lieu |
|---|---|---|
| Engagement CND | Décembre 1940 | Paris |
| Arrestation | 13 juin 1942 | Paris |
| Prison | Juin 1942 | La Santé (isolement) |
| Prison | Juin 1942 - Mars 1943 | Fresnes (mise au secret) |
| Camp | Mars 1943 - Février 1944 | Fort de Romainville |
| Camp | Octobre 1943 - Août 1944 | Compiègne-Royallieu |
| Déportation | 15 août 1944 | Gare de Pantin, convoy I.264 "des 57 000" |
| Arrivée | 21 août 1944 | KL Ravensbrück |
| Libération | 22 avril 1945 | Croix-Rouge suédoise |
| Retour France | 11 juillet 1945 | Via Copenhague et Suède |
Le convoi du 15 août 1944 fut le dernier convoi de déportés politiques parti de la région parisienne avant la Libération. Sur les 550 femmes de ce convoi, seules 17 survécurent. Maisie fut faite Commandeur de la Légion d'Honneur en 2002.
Durée de détention confirmée : 1 045 jours (13 juin 1942 - 22 avril 1945)
Benjamine de la fratrie engagée dans la Résistance, Isabelle rejoignit sa sœur Maisie à Paris en 1942 à l'âge de 18 ans. Elle fut arrêtée le même jour que Maisie.
| Étape | Date exacte | Lieu |
|---|---|---|
| Arrestation | 13 juin 1942 | Paris (avec Maisie) |
| Prison | Juin 1942 | La Santé (section "terroristes") |
| Camp | Mars 1943 | Fort de Romainville |
| Camp | Octobre 1943 | Compiègne-Royallieu |
| Déportation | 15 août 1944 | Convoy "des 57 000" |
| Arrivée | 21 août 1944 | Ravensbrück |
| Kommando | 13 février 1945 | Rechlin |
| Libération | 22 avril 1945 | Croix-Rouge suédoise |
| Retour France | 11 juillet 1945 | Via Kiel et Copenhague |
Durée de détention confirmée : 1 045 jours (parcours identique à Maisie)
Frère du Colonel Rémy, Philippe opérait dans le Morbihan (Vannes et Lorient). Il est arrêté le 16 octobre 1942 à Vannes, en voulant sauver sa mère (Marie) et ses sœurs (Hélène, Jacqueline et Madeleine), arrêtées la veille par la Gestapo.
| Étape | Date | Remarque |
|---|---|---|
| Arrestation | 16 octobre 1942 | Vannes |
| Prison | Oct 1942 - Mars 1943 | Fresnes (mise au secret) |
| Camp | Mars 1943 | Fort de Romainville |
| Camp | 1943 - Mai 1944 | Compiègne-Royallieu |
| Déportation | 21mai 1944 (probable) | Convoy I.214 vers Neuengamme |
| Camp | Mai 1944 - Avril 1945 | KL Neuengamme |
| Évacuation | 21-26 avril 1945 | Baie de Lübeck |
| Décès | 3 mai 1945 | Bombardement du Cap Arcona |
Le Cap Arcona, paquebot de luxe de 27 561 tonnes transformé en prison flottante, fut bombardé par la RAF le 3 mai 1945 — 5 jours avant la capitulation allemande.
Environ 7 000 déportés périrent, faisant de cette tragédie l'une des plus grandes catastrophes maritimes de l'histoire. Philippe avait 30 ans.
Durée de détention : 931 jours.
Le cas de Madeleine présente une divergence documentaire majeure : certaines sources (Wikipedia anglais) indiquent qu'elle fut déportée à Ravensbrück le 15 août 1944, tandis que les sources françaises primaires (Fondation de la Résistance) affirment qu'elle fut libérée le 28 février 1944 avec sa mère et ses deux autres sœurs.
Hypothèse retenue (sources françaises primaires) : Madeleine fut arrêtée le 15 octobre 1942 et libérée le 28 février 1944, sans être déportée. Elle tomba gravement malade après sa libération et fut sauvée par la pénicilline obtenue par Gilbert auprès de l'armée américaine.
L'hypothèse retenue ci-dessus a été confirmée par la famille (18/12/2025) : elle est donc définitivement retenue.
Durée de détention : 502 jours (15 octobre 1942 - 28 février 1944)
Quatre autres membres de la famille furent arrêtés le 15 octobre 1942 en représailles contre le Colonel Rémy :
| Membre | Lien | Arrestation | Libération | Durée |
|---|---|---|---|---|
| Marie DECKER ("Grany") | Mère | 15/10/1942 | 28/02/1944 | 502 jours |
| Jacqueline RENAULT | Sœur | 15/10/1942 | 28/02/1944 | 502 jours |
| Hélène RENAULT | Sœur | 15/10/1942 | 28/02/1944 | 502 jours |
| Madeleine RENAULT | Sœur | 15/10/1942 | 28/02/1944 | 502 jours |
Ce groupe fut détenu à la prison de Vannes (8 jours), transféré à Fresnes (mise au secret jusqu'au 10 mars 1943), puis interné au Fort de Romainville où elles retrouvèrent Maisie et Isabelle, avant d'être libérées sans être déportées.
| Membre | Période | Jours | Fiabilité |
|---|---|---|---|
| René DECKER | 09/10/1941 - 15/08/1942 | 311 | ⭐⭐⭐⭐⭐ Confirmé |
| Jean Édouard Francis DECKER | 10/11/1941 - 18/02/1945 | 1 196 | ⭐⭐⭐⭐⭐ Confirmé |
| Jacques "Jack" DECKER | 19/05/1944 - ~15/02/1945 | ~273 | ⭐⭐⭐ Estimé |
| Paul DECKER | 21/08/1944 | ~1 | Fusillé le jour même |
| TOTAL DECKER | ~1 781 jours |
| Membre | Période | Jours | Fiabilité |
|---|---|---|---|
| Maisie RENAULT | 13/06/1942 - 22/04/1945 | 1 045 | ⭐⭐⭐⭐⭐ Confirmé |
| Isabelle RENAULT | 13/06/1942 - 22/04/1945 | 1 045 | ⭐⭐⭐⭐⭐ Confirmé |
| Philippe RENAULT | 16/10/1942 - 03/05/1945 | 931 | ⭐⭐⭐⭐⭐ Confirmé |
| Madeleine RENAULT | 15/10/1942 - 28/02/1944 | 502 | ⭐⭐⭐⭐⭐ Confirmé |
| Marie DECKER (Grany) | 15/10/1942 - 28/02/1944 | 502 | ⭐⭐⭐⭐⭐ Confirmé |
| Jacqueline RENAULT | 15/10/1942 - 28/02/1944 | 502 | ⭐⭐⭐⭐⭐ Confirmé |
| Hélène RENAULT | 15/10/1942 - 28/02/1944 | 502 | ⭐⭐⭐⭐⭐ Confirmé |
| TOTAL RENAULT | 5 029 jours |
| Famille | Jours | Mois | Années |
|---|---|---|---|
| DECKER | ~1 781 | ~58,5 | ~4,9 |
| RENAULT | ~5 029 | ~165,2 | ~13.76 |
| TOTAL | ~6 810 jours | ~223,7 mois | ~18,66 ans |
Bilan humain
Sur les 11 membres documentés des deux familles :
5 ont été déportés en Allemagne (René vers Hinzert, Jean vers Sachsenhausen/Buchenwald, Jacques vers Neuengamme, Maisie et Isabelle vers Ravensbrück, Philippe vers Neuengamme)
4 sont décédés dont 3 en lien direct avec leur déportation (Jean, Jacques, et Philippe) et 1 fusillé (Paul, le 21 août 1944 à Huest)
7 ont survécu (René, Maisie, Isabelle, Madeleine, Marie/Grany, Jacqueline, Hélène)
Deux incertitudes demeurent, elles concernent :
La date exacte d'arrestation de Jacques DECKER (19 mai 1944 présumé)
La durée de peine purgée par Paul DECKER après sa condamnation de 1941
Pour lever ces incertitudes, il conviendrait de consulter les dossiers individuels au Service Historique de la Défense (cotes mentionnées : AC 21P 441 433, GR 16 P 505748, 27P246) ainsi que les Arolsen Archives (International Tracing Service).
Conclusion
L'engagement des familles DECKER et RENAULT dans la Résistance représente un cas remarquable de mobilisation familiale totale. Les trois frères DECKER photographes et les sept enfants Renault engagés dans le réseau CND ont payé un tribut considérable :
6 810 jours (~224 mois) de détention cumulée, quatre morts, et des séquelles physiques et psychologiques durables pour les survivants.
Il est à remarquer qu’une source familiale émanant de René DECKER (1889-1957) estimait jusqu’alors la durée cumulée de détention à 202 mois. Cette estimation, qui était donc quelque peu minorée, est aujourd’hui précisée.
Le témoignage de Maisie Renault dans "La Grande Misère" reste l'une des sources primaires les plus précieuses sur cette histoire familiale et sur les conditions de détention à Ravensbrück. La tragédie du Cap Arcona, qui emporta Philippe à 30 ans cinq jours avant la fin de la guerre, illustre la cruauté absurde des dernières semaines du conflit. Ces familles ont incarné, au prix du sacrifice, les réseaux de renseignement qui contribuèrent de manière décisive à la victoire alliée.
| Statut | Nom | Date début | Date fin | Nbre Jours | Notes |
|---|---|---|---|---|---|
| Paul DECKER * (fils de Jacques) | fusillé le 21 août 1944 | 1 | |||
| René DECKER | 09/10/1941 | 15/08/1942 | 311 | ||
| déporté/mort | Jacques DECKER * (père de Paul) | 19/05/1944 | 15/02/1945 | 273 | mort le 17/03/1945 |
| déporté/mort | Jean DECKER | 10/11/1941 | 17/02/1945 | 1196 | disparition le 17/02/1945 |
| déportée/survivante | Maisie RENAULT | 13/06/1942 | 22/04/1945 | 1045 | sœur de Rémy |
| déportée/survivante | Isabelle RENAULT-GUITARD | 13/06/1942 | 22/04/1945 | 1045 | sœur de Rémy |
| Marie DECKER-RENAULT | 15/10/1942 | 28/02/1944 | 502 | mère de Rémy | |
| Jacqueline RENAULT | 15/10/1942 | 28/02/1944 | 502 | sœur de Rémy | |
| Hélène RENAULT | 15/10/1942 | 28/02/1944 | 502 | sœur de Rémy | |
| Madeleine RENAULT-CESTARI | 15/10/1942 | 28/02/1944 | 502 | sœur de Rémy | |
| déporté/mort | Philippe RENAULT | 16/10/1942 | 03/05/1945 | 931 | frère de Rémy |
| Nombre total de journées | 6810 | jours | |||
| ≈ 224 | mois |
Notes :
Recherche documentaire approfondie sur les périodes de détention et de déportation des membres des familles DECKER et RENAULT pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce document analyse le parcours de 11 personnes arrêtées, dont 1 fusillée et 5 déportées vers les camps nazis, avec 3 décès en déportation. Il établit une chronologie détaillée pour chaque membre et corrige l'estimation familiale de 202 mois (transmise par René Decker) à 224 mois, soit 6 810 jours de détention cumulée.
René DECKER
~1889 - ~1957
Jean DECKER
7 septembre 1896 - 1 février 1945
Eugène DECKER
15 septembre 1893 - 17 mars 1945
Paul DECKER
~1923 - 1 août 1944
May RENAULT
~1907 - ~2003
Isabelle RENAULT
~1923 - ~2013
Philippe RENAULT
~1915 - 3 mai 1945
Madeleine RENAULT
~1921 - ~2016
Marie Fanny Rosa DECKER
28 octobre 1879 - 19 septembre 1959
Jacqueline RENAULT
~1917 - ~2007
Hélène RENAULT
~1909 - ~1994
Gilbert RENAULT
6 août 1904 - 29 juillet 1984